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La fin des zaricots
27 juin 2007

Mon vélo

Je me suis fait voler mon vélo.

Il était presque neuf, rutilant comme ces relations parfaites et harmonieuses qu'on construit aux yeux de tous, en dissimulant les éraflures, les brûlures et tous les petits délabrements successifs qui font, à terme, les ruines.

Mon vélo.

Mon vélo, c'était un peu de moi. C'était beaucoup de moi, un peu des autres, plutôt. Mon vélo, c'était un cadeau. La sonnette de mon vélo, c'était un cadeau.

Le n'amoureux m'a offert ce vélo avec fierté. Il avait la certitude de combler à la fois un besoin évident et un désir inavoué. J'avais besoin d'un vélo tout simple, il a mis le prix, j'ai eu droit à un beau, un bon vélo. Il souriait de toutes ses dents, je n'en croyais pas mes yeux. Cette fierté. Cette joie de me faire plaisir. Ca avait été coutumier, à ce moment ça ne l'était plus, et c'était d'autant plus beau.

Cette sonnette un peu ridicule était un cadeau de mes meilleures amies. Pour mon anniversaire, un jour où, étonamment, ça allait mal. J'avais peur d'un changement, d'une rupture dans mes certitudes, mes sentiments et mes croyances. Le changement était amorcé, j'allais mal. J'ai sorti du sac ce petit objet à la fois criard, absurde et hilarant, et j'ai retrouvé le sourire. Le réconfort de savoir qu'on croyait en mon humour, le réconfort de savoir qu'on pensait à moi, qu'on savait ce qui me ferait plaisir. Qu'on savait que j'aurais sous le nez quatre fois par jour une preuve déroutante d'amitié.

Ce vélo était un fil conducteur. Il a accompagné ma dernière année de lycée, les courses précipitées pour ne pas arriver trop en retard et les trajets ralentis pour profiter du temps et de l'ambiance. Il était le support de jolies promesses de ballades en amies à Versailles durant l'été. Il a été le support de belles promesses de ballades en amoureux à Paris dans un futur à la fois proche et lointain.

Les choses ont tellement changé.

Ce vélo est le seul cadeau que le n'amoureux m'a permis d'emporter quand je suis partie. Il me l'a dit, le sourire aux lèvres. C'était plus qu'un cadeau, c'était une promesse de soutien, si un éventuel autre besoin se présentait. C'était tout bêtement une petite part de ma vie, un rouage minuscule et essentiel. Je le croyais, du moins.

Puis la nouvelle vie. La nouvelle ville, le nouveau moi et, surtout, le nouveau Lui.

Le vélo à déménager, la fierté de le montrer, comme un bon choix, un choix de connaisseur.

Mon vélo à côté du sien, un peu de certitude dans un univers métamorphosé. Un petit bout de moi, du moi d'avant. Celui qui brillait par ses choix hors-normes et assumés, dans sa jungle organisée et mémorisée. Le moi qui ne doutait pas tout haut, celui qui était certain parce qu'il en était ainsi, que ce n'était plus le moment de douter, qu'on doit assumer ses choix, tenir ses engagements et faire bonne figure. Ce vélo rutilant, c'était le moi fixe et propre encore intact dans un monde en mouvement. C'était le petit bout de certitude dans le gigantesque doute, c'était l'îlot rassurant du naufragé.

Probablement aussi un moyen de garder un peu de sécurité. Peut-être une possibilité de retour en arrière. Un demi-engagement seulement de part et d'autre. Un bout de l'ancien dans l'univers du nouveau. Un besoin de petite fille, la sécurité. Une peur de petite fille, l'abandon.

L'absence du vélo à sa place. L'immense vide maintenant évident. Disparu à jamais, le n'amoureux. En miettes, les chaînes soi-disant éternelles du premier amour. Putain ça fait mal.

J'assume. Avec joie, quand j'arrête un peu de pleurnicher, que j'ouvre les yeux sur l'avenir proche et lointain et que je vois l'immense horizon d'amour que ses yeux m'ouvrent.

J'ai peur. Encore heureux, quitte à prendre des décisions de ce genre, autant avoir assez de conscience pour flipper, comme une façon de se pincer pour savoir si le monde autour de soi est le monde réel.

J'aime. Tellement et tellement fort que je suis heureuse du pas franchi. Que j'ai envie de donner du bonheur, d'arrêter de calculer et d'enfin me laisser porter.

Alors, si la disparition de tout ça signifie aussi l'amour, la création infinie et indéfinie d'un bonheur multicolore et bien réel, je confirme:

Ce n'était qu'un vélo.





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Commentaires
T
je pense comprendre; si tu veux, je t'offre une béquille, un soutien, quand tu veux, même si c'est pas pareil! Plein de bonheur pour cette nouvelle vie et soyez heureux.
L
Hm... Je ne suis pas sûre d'avoir bien saisi tout le sens... Mais bon toujours est-il que ça fait chier quand même pour ton vélo.
La fin des zaricots
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